Luc-Olivier d’Algange nous invite à une promenade heureuse durant laquelle il nous livre avec une tempérance vertueuse les clefs de la pensée métaphysique européenne. A l’écart des prétentions doctrinaires, il nous rend la fierté d’un héritage inaltérable.
Le dénominateur commun de toute l’Europe n’est point une vulgaire monnaie ni une doctrine mais sa Culture. Jadis, il nous était enseigné qu’elle est née aux temps antiques de la Grèce et a conquis le monde. Mais dans cette « Âme secrète de l’Europe », il est moins question d’histoire, de politique ou de théologie que des sources et des développements d’un Esprit européen qui doit beaucoup à ses philosophes du temps où ils s’interrogeaient sur la précarité de l’existence et tentaient de trouver des explications harmonieuses à l’indicible. L’éclat de la culture européenne est redevable à sa capacité de transmission, de longs siècles durant, d’une pensée métaphysique inaltérable. Elle a survécu aux doctrines excessives qu’elles soient de nature politique, théologique ou philosophique. En chacun de nous résonne cet héritage quand nous ressentons une émotion commune inexplicable devant ses œuvres humaines ou les splendeurs de la nature. Il résonne aussi par notre capacité à nous questionner en prolongeant en nous même, souvent sans même le savoir, un débat antique sur la nature de l’Être et des choses.
Le secret de la longévité de la transmission de cet héritage est une intelligence qui doit beaucoup à la tempérance chrétienne opposée aux violences qu’elle a également suscitées. Le flux et le reflux d’une gradation continuelle de la pensée d’un Esprit libre. Cette liberté échappe à la vulgarité des dogmes manichéens et totalitaires d’une prétendue raison à laquelle nous cédons parfois par crainte du néant. Voici donc un livre courageux à double titre. Celui d’avoir osé embrasser notre culture dans sa totalité à travers les siècles sans se laisser capturer par la passion d’une doctrine ou d’une époque particulière. Mais aussi, celui d’une mise en garde assumée contre la « raison » des sciences et de la technologie. Le plus souvent les « modernes » professent une criminelle régression sous le masque de l’évolution et du progrès en travestissant la pensée des philosophes à l’appui d’une sociologie ou d’un ésotérisme hétéroclite abscons. La métaphysique indissociable de notre précarité demeure un questionnement vertueux et nulle science ni aucune religion ne peut prétendre détenir La vérité d’une réponse.
Ne soyez pas effrayés par l’érudition de l’auteur, ni par la précision de son vocabulaire, ni encore par la sinuosité du plan de l’ouvrage. Il nous convie à une promenade et point à un cours. Une promenade offrant de belles occasions de découvrir ou de redécouvrir de nombreux auteurs célèbres et moins célèbres et aussi de s’y instruire librement et utilement. Une rêverie agrémentée d’une écriture qui conjugue la rigueur de l’emploi de terminologies précises et la musicalité propre à l’onirisme. Un onirisme indissociable d’une métaphysique érigée en style. L’on ne peut qu’être ému par l’esthétisme de cette pensée européenne ciselée au fil des siècles dont des clefs secrètes nous sont généreusement offertes. Les secrets de l’âme européenne nous remplissent d’espérance et nous sommes redevable à l’auteur de nous rendre la fierté d’un héritage sublime. Car enfin de quoi devrions nous avoir honte et pourquoi devrions-nous craindre cet héritage ? Grâce à d’Algange nous retrouvons la main assurée d’Europe. En la saisissant, sous la garde vigilante de Zeus, nous devrions gagner le sentiment apaisé exprimé par le sourire avec lequel le sage voit passer la gloire du monde.
Sic transit gloria mundi.
Youri Fedotoff
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